La crise que nous connaissons pourrait avoir les 2 impacts majeurs suivants :

La réinvention du magasin, pierre d’angle de la nécessaire mutation de la distribution française

Les magasins vont se vider à cause des services omnicanaux, et parce que les gens vont continuer à s’éviter lorsque cela relève d’une contrainte. Le gain de temps associé au drive par exemple est important, et il accentue notre habitude de digitaliser notre vie sociale. Plus précisément, notre habitude de transformer en services « commoditaires » digitalisés ce qui était un contact physique utilitaire : c’est typiquement le sens du service « Drive ». Et le temps de vie économisé par cette transformation va peut-être se « réinvestir » en interactions sociales, en davantage de temps de travail…ou de loisir.

Considérant cette perspective, on peut imaginer que le magasin devrait se réinventer dans 3 directions majeures :

  • Offrir toutes les commodités digitales sur ses fonctions de bases :

Typiquement les courses des produits « tout venant ». C’est le Drive, le C&C, le retour tous magasins, les casiers et autre automatismes de distribution 24/7, tous les services de delivery y compris le C to C. Et tous ces services peuvent s’hybrider, dans des scénarios parfois complexes, prenons un exemple. Imaginons une suite d’interactions sur une journée entre Walmartet Mr X. Sur son site entrepôt/magasin. Mr X e-réserve 2 smartphones pour se les faire présenter et les essayer à midi dans le magasin près de son bureau.

En même temps il récupérera son drive, mais pose le surgelé dans un casier automatique dédié du magasin, qu’il viendra vider le soir avant de rentrer.

En rentrant chez lui il ira aussi chercher dans un casier automatique installé dans son quartier par Walmart chez un fromager partenaire un micro-onde commandé la veille sur la marketplace Walmart par son épouse.

Une fois chez lui sa fille lui fait part d’un problème de taille sur des chaussures commandées sur le site Wal-Mart. Mr X va sur le site et est informé suite à déclaration du problème que la bonne taille du même modèle est disponible chez un magasin de fashion partenaire de la marketplace Walmart pas loin de chez lui, il s’y rend et procède à l’échange.

Voilà ce que sont ces commodités digitales : de la fluidité et de la rapidité logistique & commerciale au service du client.

  • Offrir des interactions sociales plaisantes et/ou utiles :

Le digital va aussi être mixé au physique pour permettre aux magasins de gérer des flux de plus en plus complexes et changeants afin de devenir des lieux expérientiels, qui attireront les clients car on y propose des choses intéressantes et/ou utiles à vivre. Soit en lien avec les articles du magasin, par exemple avec l’installation de bar à vin/tapas/traiteur self-service où l’on consomme les produits achetés en rayon, une forme de restauration facile et ouvertes à tous types de budget. Soit en lien avec de nouveaux services, c’est le cabinet médical qui remplace le rayon téléviseur vidé par la conccurrence des pure players, permettant le maintien de services essentiels et du magasin -tout aussi essentiel- dans une zone périphérique et isolé.

  • Devenir une base logistique avancée :

Pour réussir les points 1. et 2. présentés ci-dessus, les distributeurs vont devoir donner à leurs magasins une grande précision logistique, leur permettant d’agir comme des plate-formes logistiques avancées. Tout ne pourra se faire entre l’entrepôt et client final, trop loin du consommateur, trop rigide pour la dimension marketplace. Cela permettra aux magasins d’ajouter des fonctions logistiques à leurs capacités commerciales avec 3 objectifs :

  • Optimiser les schémas supply chain en permettant en temps réel aux magasins de s’approvisionner les uns les autres, stocker les uns pour les autres, partager des ressources, et optimiser ainsi du stock, de la place et du transport tout en réduisant le risque de rupture. On cumule ici performance économique et baisse de l’empreinte carbone.
  • Offrir des services logistiques pour des vendeurs (B to C comme B to B) physiquement proches du magasin afin de monétiser les ressources foncières et humaines du magasin, et éventuellement d‘élargir le référentiel de l’enseigne en mode parfois purement web (le cas typique c’est le petit artisan ou producteur régional dont on intègre l’offre en réserve pour les commandes web, mais pas en linéaire). Cela redonne au distributeur de la profondeur d’offre face aux marketplaces, et le transforme en une plateforme de logistique et de vente à vocation mondiale vis à vis des petits commerçants, artisans et industriels de son territoire d’implantation.
  • Sous louer aux 3PL ou à d’autres commerçants la place libérée en magasin par l’optimisation logistique pour valoriser le foncier magasin, notamment en zone tendue. On redonne ainsi une place au magasin en ville, et on limite les flux transportés.

Tout ce que l’on décrit nécessite des flux logistiques plus complexes qu’avant, et la nécessité de bien gérer un réseau de points logistiques multi-entreprises travaillant ensemble.

Et cela soulève plusieurs points sociétaux :

  • L’importance de faire vivre un supermarché qui serait le commerce principal d’un territoire périphérique, sous peine de définitivement marginaliser ce dernier
  • L’importance en zones urbaines d’utiliser les magasins existants pour les intégrer dans un flux commercial et logistique omnicanal qui doit empêcher que leur perte de CA, associée à la montée en puissance des pure players, et notamment des marketplaces américaines et chinoise, ne génèrent un effondrement de la distribution française, et ne place ainsi le commerce entre leurs mains de façon quasi monopolistique.
  • L’importance de considérer la logistique comme un asset stratégique essentiel de la performance commerciale pour la distribution tant B t C que B to B. Ceci notamment dans la perspective d’une « marketplacisation » des distributeurs brick & mortar, qui doivent absolument intégrer cette dimension à leur offre tant on que off line, pour rester concurrentiels face aux grandes marketplaces du web sur 2 axes fondamentaux: la largeur d’offre et le pricing.

Le retour de l’usine : souveraineté retrouvée, défi de la compétitivité, l’opportunité ecommerce

La crise actuelle met crûment en lumière la fragilité des chaînes productives hypers optimisées qu’à crée la mondialisation. Il faut en moyenne des pièces provenant de 40 pays pour produire une voiture. Si un seul de ces pays ne produit pas, la voiture ne peut être réalisée. En revanche, cette organisation produit des véhicules à un coût optimal, permettant à beaucoup de gens modestes de se procurer un véhicule.

Cette organisation nécessite un monde très ouvert, où circule facilement les flux de marchandises et de capitaux, avec une concurrence très libre. Elle génère aussi des effets négatifs, comme l’ouvrier occidental mis directement en compétition avec l’ouvrier d’un pays à faible revenu, une pollution intense, et des dépendances industrielles problématiques pour de nombreux pays, comme la délocalisation d’éléments clés de la production pharmaceutique française en Chine le montre ces jours-ci.

Afin de réequilibrer le système, il semble probable qu’en France une certaine réindustrialisation ait lieu, dont la dimension et la rapidité sont encore inconnues, mais dont on pourrait dessiner d’ores et déjà les nécessaires ingrédients pour qu’elle advienne.

Cette réindustrialisation aurait 2 versants :

  • Le réinvestissement dans les usines encore en fonction sur le territoire national
  • La création de nouvelles unités de production

Dans les 2 cas il faudra que les usines localisées en France soient très productives, pour faire face aux impôts de production et aux coûts salariaux les plus élevés au monde. La France industrielle ne peut être compétitive que par les savoirs faires et la productivité de son outil, pas seulement par les coûts. Le luxe ou l’aéronautique en sont de bons exemples.

La productivité des usines va tourner autour de 3 piliers : du personnel qualifié, des machines et robots de production performant, un système d’information industriel ultra pointu pour piloter les opérations.

Analysons comment constituer ces 3 piliers :

  • Du personnel qualifié

L’expatriation annuelle massive de nos jeunes ingénieurs –le brain drain- est un sujet essentiel pour garder de la compétitivité. Je ne m’aventurerai pas sur le terrain de l’enseignement, que je ne connais pas. Sur le terrain économique, on peut en revanche penser que de nouveaux projets industriels ne pourrons qu’attirer nos jeunes talents, et permettrons de les fixer davantage en France.

  • Des machines et robots de production performant

Sur la partie machines outils et robots, la France semble incapable à court et moyen terme de produire elle-même des solutions performantes. Nous allons devoir continuer à nous équiper chez les allemands, les chinois, et les japonais. Par contre, l’investissement en robotique doit être accru fortement. Les pays industriels les plus robotisés, comme l’Allemagne, la Corée, le Japon, sont aussi ceux avec des taux de chômage faibles et des usines encore nombreuses sur leur territoire. Lorsqu’on doit produire de la qualité et non au moindre coût, ce qui encore une fois est le cas de notre pays, le robot est l’ami de l’emploi industriel, pas son ennemi (“Voilà le classement des pays les plus robotisés au monde. Et figurez-vous qu’il n’a rien à voir avec celui des pays où il y a le plus de chômage” par atlantico.fr).

  • Un système d’information industriel ultra pointu

Le logiciel permet aujourd’hui de concevoir, modéliser et opérer complètement une usine. Plusieurs briques logicielles en fait, qui ensemble constitue ce que l’on appelle le SIP (Système d’Information de Production). Ce «digital twin» de l’usine est un élément clé de compétitivité puisqu’il utilise les données en vue d’optimiser les opérations en temps réel, puis les collecte pour détecter à postériori les améliorations à apporter. On crée ainsi une boucle d’amélioration permanente, gage de compétitivité de l’outil industriel. Les briques principales du SIP sont :

  • L’outil de conception-modélisation 3D qui permets de créer et simuler les produits, mais aussi l’usine et les process de production eux-mêmes.
  • L’ordonnanceur, qui va décider et manager le film industriel qui cadence la production
  • Le Manufacturing Execution System (MES), logiciel qui pilote la production elle-même sur la ligne (comment monter cette portière, calage du couple de serrage de visseuse, enregistrement des opérations de montage réalisées…)
  • Le Logistic Execution System (LES) qui assure les flux logistiques permettant la production elle-même par alimentation des pièces et ensembles, et permets aussi la mixité entre une production détail et une production en série

Si côté Hardis Group on se concentre sur notre savoir-faire, la brique LES, on peut ajouter que la mondialisation commerçante via le web constitue aussi une opportunité pour les usines, si celles-ci savent produire de façon compétitive à destination des clients finaux. D’où le besoin de savoir y faire de la production détail. Elles vont ainsi pouvoir depuis la France adresser le monde entier, et le faire avec une rapidité et un coût potentiellement très compétitif, soit en vendant directement, soit en proposant un mode drop ship usine à leurs distributeurs habituels, mais aussi en direct depuis les grandes marketplaces.

La France possède des savoirs-faires et même des champions dans ce domaine logiciel. C’est un point fort de notre puissance industrielle qui autorise à penser une réindustrialisation maîtrisée de l’intérieur, de façon souveraine.

Conclusion

On le voit à travers nos projets comme à travers la perspective exposée ci-dessus, la position d’un éditeur comme Hardis Group est située au cœur de la compétitivité de la distribution comme de l’industrie française, avec des enjeux internes territoriaux mais aussi de compétitivité et de souveraineté vis-à-vis de nos partenaires et néanmoins concurrents étrangers, que la crise actuelle met en lumière.

Si la France manque de savoirs-faires pour les technologies hardware, ou de capitaux pour bâtir des grandes infrastructures, elle reste une puissance du software, avec des éditeurs capables de créer les solutions qui vont piloter les moyens de transports, robots de production et infrastructures commerciales et industrielles que nous ne savons ou ne pouvons plus construire. Elle doit donc s’appuyer sur ce point fort pour devenir la puissance détentrice des véritables cerveaux –logiciels- qui piloteront et maîtriseront tels des « routes de la soie digitales » les infrastructures et les usines du monde post Covid qui vient.

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