Par Céline BROBAND GAILLARD & Laurent CHAILLOU

Une nouvelle étape est franchie pour la protection sociale complémentaire des fonctionnaires. L’ordonnance prise en application de la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019 a été présentée et votée le 17 février 2021 en conseil des ministres. Son entrée en vigueur sera progressive à compter du 1er janvier 2022. Quelles sont les raisons qui ont conduit à cette réforme ? Quel est son périmètre ? Quand la réforme entre-t-elle en application ? Quels vont être ses impacts sur les mutuelles de la fonction publique ? Notre synthèse.

Pourquoi une réforme de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires ?

Depuis janvier 2016, tous les salariés du secteur privé bénéficient d’une prise en charge de la moitié de leur couverture complémentaire santé par leur employeur. Or dans le secteur public, au niveau de l’ensemble des ministères, la participation moyenne des employeurs publics ne représente aujourd’hui qu’un peu plus de 2 % des cotisations santé des fonctionnaires. A titre d’exemple, le ministère de l’Éducation nationale ne participe qu’à hauteur de 3€ par an à la couverture de ses agents.

La réforme prévoit de rendre obligatoire la participation des employeurs publics à hauteur de 50% pour la couverture santé complémentaire de leurs agents pour les trois fonctions publiques (État, hospitalière et territoriale), à l’instar de ce qui se fait dans le secteur privé depuis le 1er janvier 2016.

En quoi consiste la réforme de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires ?

C’est une réforme des modalités de couverture et de financement des prestations complémentaires santé et prévoyance des fonctionnaires attachée à la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019.

Cette réforme concerne à la fois :

  • Les garanties minimales en santé et en prévoyance ;
  • Les modalités de contractualisation et de mise à disposition de ces couvertures aux fonctionnaires, avec notamment l’introduction de la possibilité de souscrire un contrat collectif à adhésion obligatoire ;
  • La participation obligatoire de l’employeur public au financement de ces couvertures.
    Elle est portée par l’ordonnance du 17 février 2021.

Quand la réforme entre-t-elle en application ?

1er janvier 2025 : obligation de participation financière à hauteur de 20 % de la protection complémentaire « prévoyance » pour les employeurs territoriaux.

1er janvier 2026 : obligation de participation financière à hauteur d’au moins 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » pour tous les employeurs publics de la fonction publique de l’État, hospitalière et territoriale.

1er janvier 2022

Possibilité de mettre en place un contrat collectif « santé » et/ou « prévoyance » à adhésion obligatoire pour les employeurs publics. Les militaires bénéficient dès cette date d’un remboursement par leurs employeurs publics d’une partie de leurs cotisations de protection sociale complémentaire « santé » (participation minimale fixée par décret).

1er janvier 2024

Obligation de participation financière à hauteur d’au moins 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » pour les employeurs de la fonction publique de l’État qui ne disposent pas de convention de participation en cours au 1er janvier 2022 (pour les autres, l’obligation s’applique au terme de la convention en cours).

1er janvier 2025

Obligation de participation financière à hauteur de 20 % de la protection complémentaire « prévoyance » pour les employeurs territoriaux.

1er janvier 2026

Obligation de participation financière à hauteur d’au moins 50 % de la protection sociale complémentaire « santé » pour tous les employeurs publics de la fonction publique de l’État, hospitalière et territoriale.

Quels impacts pour les mutuelles de la fonction publique ?

La principale conséquence de la réforme concerne les employeurs publics, qui vont devoir s’intéresser de plus prêt à la protection sociale complémentaire de leurs agents :

  • En sélectionnant des contrats individuels éligibles ou en souscrivant un contrat collectif ;
  • En prévoyant à leur budget le coût de la participation pour la couverture santé de leurs agents.

Du côté des mutuelles de la fonction publique, il est encore difficile d’évaluer les impacts de cette réforme. En effet, un certain nombre de règles (concernant, par exemple, la mutualisation intergénérationnelle, la couverture des retraités…) seront précisées ultérieurement par différents décrets.

L’impact pour les mutuelles et assureurs complémentaires est a priori limité. En effet :

  • Les principes de référencement pour les fonctionnaires d’État et hospitaliers restent d’actualité ;
  • Le principe de la labellisation et des conventions de participation pour les territoriaux, prévus par la loi du 8 novembre 2011 sont inchangés. Pour ces derniers, la possibilité d’ouvrir un contrat collectif à adhésion obligatoire ne semble d’ailleurs pas prévu.

Cette mesure va plutôt dans le sens des mutualistes territoriaux. A ce sujet, le président de la MNT, Alain Gianazza, a déclaré : « Les dispositifs actuels répondent aux besoins de solidarité chers à la fonction publique : pour cela, il faut surtout améliorer l’information des agents pour qu’ils sachent ce à quoi ils ont droit ».

Il est à noter que les militaires vont bénéficier, dès janvier 2022, de plus de facilités que les autres fonctions publiques pour mettre en place une couverture collective à adhésion obligatoire.

Tout va dépendre de la capacité des mutuelles de la fonction publique à répondre efficacement à des appels d’offres pour du collectif obligatoire et à proposer des frais de gestion réduits pour ce type de contrats. A ce titre, des solutions de gestions déléguées pourraient être envisagées.

On notera que la MFP, qui s’est exprimée dans la presse en début d’année reste méfiante, pour deux raisons principales :

  • L’introduction du collectif obligatoire ne va pas vraiment dans le sens de la mutualisation intergénérationnelle : ce type de contrat, très favorable aux actifs, se fait au détriment des populations retraitées dont les cotisations ne sont guère plafonnées et qui sont privées de financements externes.
  • Le panier de prestations minimales, le panier de soin ANI, est en dessous de ce qui se fait aujourd’hui dans la fonction publique en moyenne. Il existe donc une crainte de niveler la protection par le bas.

La FMF (Fédération des Mutuelles de France), présidée par Jean-Paul Benoit, dresse le même constat sur le risque de mutualisation et le niveau de couverture. En outre, elle s’oppose vivement à l’introduction des contrats collectifs obligatoires qui « crée une concurrence accrue entre les mutuelles et ouvre la porte aux comportements prédateurs des assurances et des courtiers ». Elle exhorte ainsi le gouvernement à étendre le principe de labellisation propre à la territoriale à toutes les fonctions publiques.

 

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