Les Insurtech, également appelées Assurtech, sont des startups positionnées sur le marché des assurances de biens et de personnes. Représentant un investissement mondial de 1,7 milliards de dollars en 2016, ce marché est en forte croissance. Le point sur les tendances passées, présentes et à venir de ce marché en pleine effervescence.
Les comparateurs, première pierre à l’édifice
Ils font, depuis déjà quelques années, le bonheur des régies publicitaires, quel que soit le support média. Leur promesse : comparer les offres assurantielles sur un marché pléthorique afin d’obtenir le meilleur prix à garanties égales. Apparus pour les premiers au début des années 2000, ils peuvent être considérés comme les initiateurs de l’Insurtech.
Si les chiffres du marché semblent parfois contradictoires (nombre de devis réalisés, part de ce canal dans la conclusion de nouveaux contrats…) en fonction de l’acteur qui les met en avant ou des assureurs eux-mêmes, une chose est sûre : de nombreux acteurs, dont la notoriété n’est plus à démontrer comme LeLynx ou LesFurets, sont déjà bien positionnés. Il semble exister peu de place pour de nouveaux acteurs ou pour l’innovation technologique sur un domaine aujourd’hui mature.
Les chatbots au service de la relation client
Apparus plus récemment, les chatbots, que l’on peut considérer comme un second niveau de l’évolution technologique du marché de l’assurance, s’attaquent une nouvelle fois aux aspects de la relation commerciale entre un assureur et ses prospects ou clients. Plus question cette fois de comparer les prix d’un contrat à l’autre mais simplement de proposer à l’assuré une réponse instantanée à ses questions, quand c’est possible.
Les chatbots sont aujourd’hui quasiment incontournables face à des usagers toujours plus habitués à une relation personnalisée et instantanée avec les entreprises, quel que soit le canal de communication utilisé. Les initiatives ne manquent pas : si certains proposent bien sûr un chatbot sur leur propre site, d’autres ont déjà fait le choix d’en déployer sur leurs réseaux sociaux, tels que Facebook par exemple, comme pour l’assureur MGEN grâce à son partenariat avec l’assurtech JAM. Ce type de service est en cours de déploiement chez l’ensemble des principaux acteurs du marché à court ou très moyen terme, sur un ou plusieurs canaux digitaux.
Les objets connectés de plus en plus présents sur le marché
De leur côté, les objets connectés transforment plutôt le « back office ». Ils visent à prévenir les sinistres dans le domaine des assurances et mutuelles. Par exemple, le LeakBot est un boitier connecté, développé par HomeServe (société de services pour la maison) pour détecter des fuites d’eau chez les particuliers. Ce type d’incident reste le sinistre principal en MRH et on imagine facilement l’intérêt que les compagnies d’assurance peuvent voir dans ce type d’IoT. Un autre exemple orienté santé : l’invention du jeune mexicain de 18 ans, Julián Ríos Cantú, qui a conçu un soutien-gorge connecté qui permet de détecter les cancers du sein relativement tôt grâce à des capteurs de poids et de température (Higia Technologies).
Bien que Goldman Sachs ait publié, courant 2015, un rapport expliquant qu’environ 300 milliards de dollars pourraient être économisés par les services de santé américains grâce à une plus grande utilisation des objets connectés, il ne faut pas oublier qu’en France l’utilisation des données de santé reste très limitée et très contrôlée. Les acteurs du marché qui investissent dans ce domaine ne doivent pas négliger les contraintes légales que cela implique, en particulier avec la loi RGPD qui sera effective en mai 2018.
IA et Big Data : les Insurtech attaquent le « core business »
Il faut commencer par bien différencier deux concepts: l’intelligence artificielle forte et l’intelligence artificielle faible. Une IA forte serait consciente d’elle-même et capable d’apprendre quel que soit le domaine d’application. Une IA faible est en effet capable d’apprendre et d’évoluer, ou au minimum de s’adapter à des situations variées à partir des informations qu’elle possède, mais elle reste cantonnée au cadre limitatif qu’elle hérite de ses concepteurs.
Mais cela n’enlève rien aux capacités impressionnantes des IA faibles. Par le passé, on pouvait déjà voir de formidables créations (on reprend souvent l’exemple de Deep Blue qui a battu Garry Kasparov en 1997), mais c’est la profusion de données organisées qui a permis une révolution dans ce domaine. Autrement dit, le Big Data alimente l’évolution des intelligences artificielles en rendant possible le deep learning.
Un futur qui commence d’ailleurs à se concrétiser, avec des start-up telles que Shift Technology, dont les solutions ont pour objectif de traquer les fraudes aux assurances. Pour y parvenir, la jeune entreprise a pertinemment associé l’intelligence artificielle au Big Data. Plus largement, les applications potentielles sont nombreuses. En termes de gestion des sinistres par exemple, où l’intelligence artificielle pourrait constituer un dossier avant même que l’assuré ne prenne contact avec son assureur, en se basant sur les données de la police, des applications de gestion du trafic, ou même des capteurs directement intégrés aux véhicules.
A plus ou moins long terme, les chatbots vont sans doute être améliorés en utilisant les acquis de l’intelligence artificielle. Ils pourront ainsi mieux s’adapter aux demandes des clients en analysant plus efficacement les requêtes de leurs interlocuteurs et en tirant un apprentissage de chaque expérience. Mais ils ont également vocation non plus à aiguiller le client vers l’information qu’il recherche, mais à réaliser directement les actions nécessaires à sa place. Souscrire un contrat sans remplir le moindre formulaire deviendra alors la norme.
A long terme, on peut aussi envisager l’apparition d’assurances prédictives même si cela ouvre de nombreux questionnements éthiques. En effet une intelligence artificielle pourrait être capable, grâce à la profusion de données collectées en temps réel, d’évaluer l’évolution des risques relatifs à un client donné. De ces algorithmes prédictifs peuvent découler de nombreuses applications. Par exemple, l’évolution de la police d’assurance en fonction d’une évaluation plus précise des risques. Ou encore la suggestion d’actions préventives (contrôle technique d’un véhicule ou d’un lieu, dépistage, diététique, vaccination, …). Il faut tout de même garder à l’esprit qu’à l’heure actuelle les réglementations en vigueur en France restreignent ce genre de pratiques.
En conclusion
Jusque-là, il ressort de cette analyse que les Insurtech – du moins les plus visibles – étaient principalement liées à la relation commerciale. Or, et c’est le cas dans de nombreux autres secteurs, la révolution du digital viendra aussi et surtout de l’intérieur, lorsque le numérique transformera le « back office ». L’avenir des Insurtech semble donc s’inscrire dans le développement de services aux assureurs eux-mêmes, dans un but d’amélioration de leurs processus et de réduction de leurs centres de coûts.
Nombreuses sont aujourd’hui les entreprises à se positionner sur les technologies les plus récentes. En 2016, plus de la moitié des investissements dans le secteur des Insurtechs a été consacrée aux technologies liées à l’intelligence artificielle et aux objets connectés, qui représentent sans doute l’avenir du secteur.
Adélaïde Bezier
Consultante Senior, Hardis Group
Partager sur :